Témoignage de Flora, mère solo

1- Comment vit-on en tant que parent non inclus dans les représentations de la société ?

C’est un peu particulier, parce que j’ai l’impression qu’à chaque fois qu’on parle des parents on est basé sur le couple hétérosexuel, le couple marié, qui est une vision très ancienne et qui est encore très actuelle.
En termes de « normes sociales » c’est une vision ancienne. 


Ce qui est un peu curieux pour moi c’est que je vis en région parisienne et il y a 50% de parents solo, majoritairement des femmes.
Je suis étonnée de voir à quel point ça semble être une particularité ou une exception alors qu’en réalité c’est la moitié des cas qui vivent dans cette situation (il y a aussi les questions de garde partagée).
Je me sens un peu dans ce paradoxe d’être « invisibilisée » tout en étant dans une situation très commune.
J’ai la garde exclusive de mon fils, beaucoup de parents solo autour de moi ont une garde alternée quelles que soient les modalités choisies ou subies (une semaine sur deux,
quelques jours, que les week-ends)

J’ai souvent l’impression d’être sur le même plan qu’un couple hétérosexuel, des parents en couple ou les deux vivraient ensemble mais où monsieur n’aurait que son travail, ne participerait pas à hauteur de sa part à la vie de couple et de famille.
J’ai l’impression d’être au même plan que ce type de schéma.
Dans ce cas-là, j’ai l’impression que c’est la femme qui s’occupe de l’intégralité ou la majorité des tâches mais on ne parle pas vraiment de parents solo.

J’ai l’impression d’être vécue comme une exception qui est quasiment la norme.
 
Quand je dis : « Ha bah non là je ne vais pas pouvoir faire telle ou telle chose seule, donc si je viens c’est avec mon fils », j’ai souvent l’impression d’avoir des reproches.

« T’as pas de temps pour toi, t’es pas tranquille, tu ne peux pas faire ceci, cela » !
Comme si c’était une entrave alors que pour moi c’est un choix. 

Ne pas être vue et entendue et considérée.

Entendre : « Oui mais tu l’as bien choisi » ou « Oui mais si t’es plus en couple c’est parce que tu attends de te remettre en couple » comme si c’était une situation transitoire.
Pour moi ce n’est pas une situation transitoire, c’est un choix pour moi aujourd’hui, je ne connais pas l’avenir mais c’est une situation très épanouissante et très contraignante et très agréable c’est un paradoxe !

Je m’y retrouve énormément.
 
2 - Impact sur ta parentalité et ton accompagnement ?

Comme je suis dans un accompagnement respectueux, mon fils exprime "plus" sa volonté, ses émotions et ça peut être vu comme "je suis dépassée parce que je suis seule".

J’ai déjà eu droit à : « Il t’a fait une crise, t’as pas su gérer, t’as pas su t’imposer, c’est toi qui à l’autorité, tu aurais dû dire stop maintenant t’arrêtes tu te tais, t’as pas lieu de t’énerver pour ça, point » et de rajouter  : « si tu n’as pas fait tout ça c’est parce qu’en fait t’es dépassée par la situation tu es sous l’eau, s’il y avait une autorité masculine il n’aurait pas moufté ».

L’idée que je sois dépassée dans la perception extérieure est amplifiée par le statut de maman solo qui serait peut-être vu de manière un peu plus atténuée si j’avais été en couple. 
C’est une analyse peut-être personnelle et erronée mais moi je le ressens de cette manière-là.
 
Être deux c’est un peu le but ultime.
L’entourage derrière nous met cette pression d’être à deux et n’attend pas n’importe qui. 
Choisir un homme de la même origine que toi, culturelle, religieuse ou pas : on attend que tu te conformes à un modèle global édité par ton groupe de référence.

Je vois une grande limite dans le terme « bienveillance », surtout quand les autres placent cette attente sur toi.
Ils pensent sincèrement que tu seras mieux comme ça, que ce sera pour ton bien, ils te placent une attente lourde sur tes épaules sans se préoccuper si c’est la tienne ou pas.
Peut-être ils reproduisent ce schéma et, soit ils s’y retrouvent et ont intériorisé ce modèle, soit ils s’y sentent plus tranquilles socialement, ils pensent que c’est mieux pour moi parce que ce serait mieux pour eux.

« C’est pas normal, tu devrais, il aurait fallu ». 
Il y a cette attente d'être "parfaite" sur toutes les mères, invisibles ou non.
 
Faut être "parfaite" sur tout.

3 - Type d’accompagnement avez-vous choisi ?

J’ai choisi un accompagnement respectueux pour mon fils et ça c’est un autre défi qui est lourd car socialement on est encore dans un milieu très VEO (violence éducative ordinaire), dans un milieu ou l’adulte doit avoir le dernier mot, ou un enfant qui s’exprime un peu trop « dérange ».
Faut qu’il soit "mignon", "gentil", "docile", faut qu’il ne dérange pas, qu’il suive le mouvement des adultes sans les perturber.

C’est un peu compliqué d’assumer et de dire, là, on est à deux à faire un choix, on est deux à vivre ensemble, on fait les choix ensemble.
 
Alors non, il ne va pas signer l’acte d’achat pour un logement à ma place mais son avis va énormément compter.
Et tout cela est souvent critiqué à l’extérieur.

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